La terre parle
La terre est le roman des gestes
Raconte le corps premier
Sorti de la fournaise
De la terre
Au matin nait la coquille d’un œil nouveau
Aussi fragile qu’une silhouette
*
La terre parle
Elle dit la main maîtresse des mots
Au matin nait la femme toute vêtue de ville
Et son sourire de belle ignorante
*
La terre parle
Elle dit la caresse des doigts
La pression de la paume
Au matin nait le cheval nerveux
Et sa crinière couleur d’orage
*
La terre parle
Elle dit l’étranglement des coudes
Les griffures des ongles
Au matin naissent des Matisse
D’une étrange matière tissée
*
La terre parle
Elle dit l’arrachement des lèvres de la glaise
Au matin naissent des enfants-terre
Prisonniers du grès des baisers
*
La terre parle
Elle dit la terre où cuit la terre
Comme en l’homme l’homme se fait
Au matin nait un théâtre d’étonnement
Aux regards de poissons échoués dans la poussière
*
La terre parle
Elle dit l’œil du four qui guette le guetteur inquiet
L’haleine de la nuit qui exhale ses étincelles
Au matin nait la fable des fruits
Pour la dent dure du temps qui ne s’épluche pas
*
La terre parle
Elle dit les murmures du vin qui piste le crépuscule
Les frôlements des corps les troubles des regards
Au matin naissent d’antiques rêves
Au fond de nos excavations
*
La terre parle
Elle dit le labeur et la peur
Avant la grande fatigue de la joie
Au matin renaissent les corps
Nus
Mêlés comme la glaise et l’eau
Dans l’œuf du ciel
*
La terre parle
Elle est la trace qui demeure dans le monde
De ce qui disparaitra de nous
Avec nos yeux
Au matin renait la main
Pleine de terre
février 2013