Le chant des terres,
La porte, 2014

Extrait

La terre parle
La terre est le roman des gestes
Raconte le corps premier
Sorti de la fournaise
De la terre

Au matin nait la coquille d’un œil nouveau
Aussi fragile qu’une silhouette

*

La terre parle
Elle dit la main maîtresse des mots

 Au matin nait la femme toute vêtue de ville
Et son sourire de belle ignorante

*

La terre parle
Elle dit la caresse des doigts
La pression de la paume

Au matin nait le cheval  nerveux
Et sa crinière couleur d’orage

*

La terre parle
Elle dit l’étranglement des coudes
Les griffures des ongles

Au matin naissent des Matisse
D’une étrange matière tissée

*

La terre parle
Elle dit l’arrachement des lèvres de la glaise

 Au matin naissent des enfants-terre
Prisonniers du grès des baisers

*

La terre parle
Elle dit la terre où cuit la terre
Comme en l’homme l’homme se fait

Au matin nait un théâtre d’étonnement
Aux regards de poissons échoués dans la poussière

*

La terre parle
Elle dit l’œil du four qui guette le guetteur inquiet
L’haleine de la nuit qui exhale ses étincelles

Au matin nait la fable des fruits
Pour la dent dure du temps qui ne s’épluche pas

*

La terre parle
Elle dit les murmures du vin qui piste le crépuscule
Les frôlements des corps les troubles des regards

Au matin naissent d’antiques rêves
Au fond de nos excavations

*

La terre parle
Elle dit le labeur et la peur
Avant la grande fatigue de la joie

Au matin renaissent les corps
Nus
Mêlés comme la glaise et l’eau
Dans l’œuf du ciel

*

La terre parle
Elle est la trace qui demeure dans le monde
De ce qui disparaitra de nous
Avec nos yeux

Au matin renait la main
Pleine de terre

février 2013