14975 jours entre Souvenirs de la Maison des mots et Poésie en phase terminale,
la Passe du vent, 2012

Extrait

Ah, si je pouvais connaître un homme qui oublie le langage,
afin d’avoir avec qui parler !
Tchouang-Tseu, 26/k/49

tu cherches le mot juste en toi

il niche dans ce regard posé sur toi

 


tout visage est un nuage / une pâte de terre et de ciel

 

 

Enoncer un nouveau théorème : Un ciel sans nuages
c’est déjà un ciel avec le mot nuages.
Bernard Chambaz

la nuit est entrée par la bouche
s’est installée dans les recoins du corps
et puis l’a digéré !

*

dévêtu de l’idée de ton corps
tu découvres ton corps mis à nu
corps d’enfant sous vieille peau d’illusions
pris déjà dans le magma du monde

*

le noir mourra-t-il avec toi ?
te survivra-t-il ?

*

tu ne marches plus sur ton ombre
tu es le spectre de ton corps

 

 


je m’écris à vue d’œil

 

 

Devant une rose, inexplicable est notre comportement.
Epris de sa beauté, d’un geste émerveillé, nous lui ôtons la vie.
Ecrire, c’est renouveler, sur soi, ce geste.
Edmond Jabès

 

des étoiles mortes depuis l’aube des temps
continuent de briller à mes yeux abusés
une tache d’eau dans la mer

 

 


dans la chevelure métallique du vent / la chair à vif des doigts

 

 

I’m sorry Mama
I never meant to hurt you
I never meant to make you cry
but tonight
I’m cleanin’ out my closet
Eminem

 

amère

avec l’argile brûlant des mots
tu as fabriqué l’effigie d’une mère morte
tu creuses ainsi en toi un manque
 (ce manque sur ta langue
est un couteau planté)
d’où t’est venu ce terrible besoin
de te nourrir de ce manque ?
depuis tu erres les yeux vides
hurlant aux coins des routes

 


il y a des nuits on préfère le jour / cette prison des yeux

 

 

 

 

C’est peut-être ça qu’on cherche à travers la vie, rien que cela,
 le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir.
Louis-Ferdinand Céline

 

que n’ai-je été battu violenté humilié
dis-tu
mais non tu fus aimé
d’amour plus que de raison
d’amitié contre toute attente
nonobstant quelques trahisons
tu l’es encore
et tu ne sais plus où donner du cri
alors
supputant l’obscur de ton être
tu écris des poèmes de nuit

 

je me suis égaré
avec la peur au ventre
de me trouver
reconnais-tu


tout au fond de moi / quelque chose maudit quelque chose