(Bergère reçoit dans sa cabane)
Sous la menace de l’orage il gravit la montagne à la recherche de ces quelques simples qui calment les angoisses et apaisent les corps, il rencontre une femme
bergère
dont la voix escarpée jetée aux chiennes hirsutes et fidèles qui s’agitent autour des brebis monte à l’assaut des montagnes
il est fasciné par la chorégraphie que l’on dirait originelle de ses gestes vifs, de ses gestes inquiets, solides mais prêts à rompre comme brindilles sèches sous le piétinement brutal des questions
il se fait tard le ciel est menaçant, elle lui offre naturellement de partager sa cabane en attendant que le temps se remette, il accepte et la suit en accordant comme il peut son pas à la marche rapide qui raccommode les déchirures du vent
il la suit jusqu’au soir, jusqu’au repas dont ils partagent l’opulente sobriété entourés par le silence de la montagne
il parle, ses mots tombent dans les obscurités de la cabane comme dans les torrents ces cailloux qui se chamaillent et font danser d’ivresse l’eau, les braises grésillent dans le vieux poêle en fonte, de sourds ricanements s’échappent des fentes
au matin un festin de bruits frêles le réveille, il se lève, le café est fort, les paroles fragiles s’envolent et vont rejoindre les buses désinvoltes qui ouvrent les volets du ciel, les brumes accrochées aux montagnes environnantes l’appellent
il doit partir
les gestes gourds et lents il accroche son sac à dos puis s’engage sur le sentier tandis qu’elle
(à peine un signe de tête)
s’active à ses tâches
il parcourt cent pas se retourne pour un dernier salut mais elle a déjà disparu derrière la cabane
le renvoyant au chemin où il marchera tout le jour le cœur gros comme un ventre de femme sur le point d’enfanter son propre destin.